Comment passer avec succès le contrôle d’hygiène des commerces de métiers de bouche ?

Comment passer avec succès le contrôle d’hygiène des commerces de métiers de bouche ?

Publié le : 02/08/2024 02 août août 08 2024
Source : www.village-justice.com

Article publié sur Village de la Justice le 31 juillet 2024.

Depuis le 1er janvier 2024, les contrôles d’hygiène des métiers de bouche se sont intensifiés. Ils sont plus nombreux, mais ont également une nature et des suites très différentes.
L’essentiel des règles en la matière se trouve dans les règlements européens dits du « Paquet Hygiène » et notamment dans le Règlement 852/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relatif à l’hygiène des denrées alimentaires.
Voici quelques points de vigilance, retrouvés très fréquemment pour justifier les mesures les plus graves faisant suite aux contrôles.

La création de la police unique chargée des contrôles de sécurité alimentaire, par Décret n° 2022-840 du 1er juin 2022, avait donné le ton en plaçant tous les contrôles liés à ce domaine particulier sous l’autorité du ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire.

Alors que les contrôles en hygiène étaient exercés jusque-là et depuis très longtemps selon une organisation variable selon les régions, mais toujours à la fois par des agents des services vétérinaires dépendant de la Direction générale de l’Alimentation (DGAL), et des agents de la DGCCRF, la création de cette police unique a mis fin à ce partage de missions.
Elle s’accompagne par contre depuis le début d’année de l’externalisation des contrôles de premier niveau des métiers de bouche qui sont désormais délégués à des organismes privés, à savoir Mérieux, APAVE, Inovalys, Bureau Véritas et le consortium Inovalys-GDS Centre.
Les retours des premiers trimestres d’exercice de ces nouvelles modalités montrent des disparités très importantes dans le déroulement des contrôles de premier niveau par les organismes privés, mais également une sévérité particulière des contrôles exercés par les DDPP, qui multiplient les mesures de fermetures, en les accompagnant d’une médiatisation fréquente.
Il est plus que jamais indispensable d’être préparés au contrôle, dans la mesure où a lieu une intensification, notamment du fait de l’organisation des JO.

La présence de nuisibles

La présence de nuisibles est le motif que l’on retrouve dans le plus grand nombre de fermetures pour hygiène, les nuisibles étant vecteurs de maladies et de potentielles sources de contamination des aliments.
La question des causes de la recrudescence de ces problèmes de nuisibles dans les commerces alimentaires divise, mais le changement du cadre légal d’utilisation des produits depuis quelques années, qui a conduit à modifier les AMM (autorisations de mise sur le marché des produits) a sans doute eu un impact non négligeable sur l’échec actuel assez généralisé en la matière.
Il n’est ainsi plus possible d’utiliser les produits rodenticides pour des traitements permanents, et ce, pour limiter d’une part les problèmes de résistance, mais aussi le problème de toxicité de ces produits.
Mais lorsqu’une infestation de rongeurs se met en place, il est particulièrement difficile d’en venir à bout.
La lutte contre les nuisibles nécessite donc aujourd’hui bien plus d’efforts de stratégie, pour combiner efficacement les moyens qui restent permis, et on constate que tous les prestataires ne font pas cet effort de la même façon.

Il est donc primordial de faire appel à un prestataire sérieux en la matière, et de mettre en place les bonnes pratiques d’hygiène élémentaires avec un minimum de rigueur et de méthode :
  • le calfeutrage, qui ne consiste pas seulement à fermer les portes de son commerce, mais à traquer toute fissure, trou même minime, en somme tout interstice qui permet le passage d’espèces indésirables, et qui leur permet d’investir des recoins cachés, inaccessibles pour nous pour les y déloger.
  • le nettoyage et en particulier la vigilance sur les débris alimentaires qui attirent les nuisibles en leur fournissant de quoi se nourrir, mais aussi les zones d’humidité qui favorisent l’installation de certaines espèces.
Ensuite, il est pertinent de mettre en place un contrat avec un prestataire qui va placer des moyens de lutte dite préventive. Mais ce prestataire sera tenu de respecter les textes en vigueur et les Autorisations de mise sur le marché (AMM) des produits qu’il utilise.
Pour être sûr d’être efficace, exigez de votre prestataire que le contrat conclu soit précis.
Par exemple pour les rongeurs :
  • qu’il vous fournisse le plan et l’emplacement des appâts mis en place, puis à chaque passage par exemple une fois par mois, les taux de consommation des appâts relevés,
  • que le taux de consommation qui enclenche le passage en lutte curative soit défini clairement,
  • que lorsque des produits curatifs sont mis en place, les passages soient bien plus fréquents, pour contrôler l’effet sur l’infestation en cours.
Enfin, il n’est pas admissible qu’un prestataire mette en place des produits et ne change rien si de toute évidence le traitement n’est pas efficace. Il existe en effet des résistances, et le contrat doit prévoir que le traitement soit évalué et réadapté le cas échéant pour être optimisé.

Lors de la négociation du contrat, ces points sont essentiels et doivent faire l’objet d’une discussion. En effet, la lutte contre les nuisibles, et en particulier contre les rongeurs, ne souffre pas d’approximations, sous peine de voir s’installer une infestation massive qui pourrait justifier une fermeture.
Mais, lorsque le commerce est tout simplement « cerné » de rongeurs, il est urgent de changer de mode d’action, et la bataille devient alors aussi juridique.
Bien sûr, il faut continuer la lutte en parallèle et ne pas baisser les bras.
Mais si vous êtes le seul dans votre quartier à traiter le problème de façon sérieuse, c’est tout simplement comme si vous étiez face à un puits sans fond. Vous êtes en permanence réinfesté par l’environnement proche, constitué de biens variés comme d’autres commerces, des habitations ou même des biens publics.
Or un commerce ne peut pas contraindre facilement d’autres entités privées, voire des entités publiques, à gérer une prolifération de nuisibles.
Par contre, il existe bien une personne qui a ce pouvoir, et qui est tenue d’agir.
Ainsi, selon les articles L2212-1 et 2 du Code général des collectivités territoriales, le maire doit assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Il est donc le garant de la salubrité publique, et il est tenu d’agir à ce titre.
C’est lui qui a le pouvoir de contraindre le propriétaire de chaque parcelle à mettre en place les moyens de lutte efficaces contre les nuisibles, et qui peut même au besoin se substituer aux récalcitrants.
Lorsque la situation est telle qu’il devient évident que, sans une action globale sur la zone dans laquelle vous vous trouvez, vous ne réglerez pas l’infestation dont vous êtes victime, il est alors impératif d’entamer une démarche auprès du maire.
Si vous vous trouvez dans une petite commune, et dans tous les cas si vous avez la possibilité d’en discuter avec le maire, il se peut que cette phase amiable débouche sur une prise en compte satisfaisante de votre situation.
Malheureusement, c’est assez rarement le cas. Dans un second temps, il conviendra alors de faire une demande officielle d’intervention au titre des pouvoirs de police du maire, au besoin par courrier d’avocat, en étayant et en documentant votre situation.
En cas de refus, ou de silence pendant deux mois, l’inaction du maire pourra être portée devant le juge administratif.
En effet, le maire ne peut s’abstenir d’agir sous peine d’en répondre devant le tribunal administratif pour ce refus fautif et sa carence fautive dans l’exercice de ses pouvoirs de police.
Il engage sa responsabilité éventuelle sur les préjudices qui pourraient découler de son inaction, comme les conséquences d’une fermeture administrative par exemple.
La démarche juridique initiée auprès du maire est donc protectrice à plus d’un titre.

Le nettoyage

Le défaut de nettoyage est également mentionné dans un grand nombre de mesures de fermetures administratives. Il est mis en lien avec la possibilité de contaminer les aliments produits, du fait de l’environnement de travail, voire des équipements mal nettoyés, et avec la possibilité d’intoxication alimentaire qui en découle de façon tout à fait logique.

Le plan de nettoyage et désinfection du commerce alimentaire est un élément clé de son plan de maîtrise sanitaire, et il est avantageux de le formaliser par écrit, ne serait-ce que pour démontrer ce qui est planifié.
La plupart du temps, si le nettoyage est satisfaisant, l’inspecteur ne s’attardera pas sur ce document.
Celui-ci doit en tout cas refléter ce que vous faites réellement, et le plan de nettoyage désinfection générique fourni par exemple par votre fournisseur de produits ne fera jamais sérieusement l’affaire.
Ce plan générique ne retranscrira en effet pas votre pratique, en termes d’utilisation de produits, de fréquence de nettoyage adaptée à votre activité. Mais surtout, il ne listera pas les éléments de vos locaux et de vos équipements que l’inspecteur doit s’attendre à trouver.
Il vaut donc bien mieux un plan de nettoyage et désinfection simple, mais qui corresponde à vos besoins, et surtout qui vous permette d’organiser votre nettoyage de façon efficace et régulière.
L’un des intérêts de ce document est en effet de programmer les opérations de nettoyage qui ne sont pas réalisées chaque jour, afin de ne pas se laisser déborder par son activité.
Si vous utilisez une application pour gérer vos enregistrements liés à votre plan de maîtrise sanitaire (PMS), il est judicieux de créer des notifications sur les taches de nettoyage non quotidiennes.

Le refroidissement rapide

Alors que jusqu’à présent la grande majorité des commerces n’était pas équipée de matériel approprié pour le refroidissement rapide des produits, sans que cela ne fasse l’objet de reproches lors des contrôles, ce point fait désormais l’objet de vérification fréquente.
Il est donc essentiel de savoir démontrer qu’un produit cuit sur place et mis en réfrigération ensuite est amené suffisamment rapidement à la température requise.
En pratique, même si cette référence contenue dans l’arrêté du 21 décembre 2009 concerne la seule restauration collective, il est fréquemment exigé par l’inspecteur que vous démontriez un passage de +63°C à moins de 10°C en moins de deux heures.
L’utilisation de la cellule de refroidissement rapide est bien évidemment le moyen le plus approprié pour parvenir à ce résultat tout en étant capable de le démontrer grâce aux enregistrements réalisés.

La traçabilité

Enfin, parmi les motifs de fermeture qui sont le plus souvent mis en avant, se trouve également celui de l’absence de traçabilité des denrées alimentaires.
À chaque fois, le reproche est étayé par une référence à l’article 18 du Règlement 178/2002 et cet extrait : « La traçabilité des denrées alimentaires, des aliments pour animaux, des animaux producteurs de denrées alimentaires et de toute autre substance destinée à être incorporée ou susceptible d’être incorporée dans des denrées alimentaires ou des aliments pour animaux est établie à toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution ».

Et, sur cette base, l’inspecteur reproche à l’exploitant de :
  • ne pas être capable de dire quel lot de matière première est entré dans la fabrication de tel produit fini ;
  • ou de ne pas mettre de DLC secondaire sur une matière première entamée et non écoulée ;
  • ou encore de ne pas mettre de date de production sur un produit semi-fini en attente d’utilisation…
Or, en réalité, l’article 18 du Règlement 178/2002 n’impose absolument aucun de ces points exigés par les inspecteurs.
Ce texte a été clairement expliqué lors de son entrée en vigueur par un document d’interprétation de la Commission européenne qui expliquait noir sur blanc que la traçabilité interne n’est pas obligatoire.
Il a été précisé ensuite par le Règlement d’exécution (UE) No 931/2011 de la Commission du 19 septembre 2011 relatif aux exigences de traçabilité définies par le Reg CE 178/2002 en ce qui concerne les denrées alimentaires d’origine animale et ce texte n’a pas plus imposé ni de traçabilité interne, ni de DLC secondaire, ni de date de production…

La mention de l’article 18 en question pour fonder de telles exigences est donc tout simplement une erreur de droit qu’il ne faut pas hésiter à contester.
En effet, la philosophie des Règlements européens est justement, à l’inverse, de laisser le libre choix à l’exploitant des moyens à mettre en œuvre pour parvenir à l’atteinte des objectifs fixés.
Devant une telle exigence des inspecteurs, deux choix se présentent donc au commerçant :
  • vous pouvez anticiper et mettre en place les éléments demandés, si vous estimez que cela ne présente pas d’inconvénient pour vous et que vous adhérez à ce choix de moyen, pour atteindre l’objectif global de maîtrise de la qualité de vos produits ;
  • vous trouvez que ces demandes sont trop contraignantes et vous êtes prêt à argumenter et à démontrer votre maîtrise de la durée de vie de vos produits, et de leur traçabilité, par la mise en place d’autres moyens.
Dans tous les cas, vos choix devront être clairs et étayés.

Dans la lignée des exigences de traçabilité, votre PMS devra en outre définir des modalités claires de traitement des alertes et des potentielles déclarations d’intoxication alimentaire. Certains délégataires demandent en effet systématiquement ces documents.

Si dans les petits commerces, il est tout à fait possible d’argumenter verbalement les dispositions mises en place pour maîtriser le risque alimentaire, en théorie, la pratique avec la multiplication des contrôles montre que la mise en place d’un plan de maîtrise sanitaire, même simple, mais écrit, permet de faire face beaucoup plus sereinement aux questions des inspecteurs.
Il est donc particulièrement judicieux d’anticiper le contrôle et d’ajuster votre plan de maîtrise sanitaire pour qu’il serve de support d’argumentation lors du contrôle.
Mais, les dispositions du PMS devront alors être connues de toutes les personnes concernées par leur application. L’implication du personnel dans la création de ce document est donc primordiale, pour favoriser son adhésion.

Le déroulement du contrôle

Lors de l’arrivée de l’inspecteur, celui-ci doit être à même de présenter une carte officielle démontrant sa qualité. Il est légitime de réclamer cette carte, et de noter le nom, la qualité, et l’organisme dont dépend la personne qui vous contrôle.
Attention, il arrive que certaines personnes se présentent sans carte, et ne fassent jamais de compte-rendu écrit de leur contrôle. Il est possible de douter de la réalité de leur contrôle. Cette situation n’est pas normale et il est légitime de refuser l’entrée à une personne incapable de démontrer sa qualité.
Une fois cette étape passée, vous devez donner l’accès aux informations et lieux sollicités.
Mais gardez à l’esprit que les textes européens qui s’appliquent à votre activité posent surtout des obligations de résultat. Soyez prêts à argumenter pour défendre les moyens que vous avez choisis pour maîtriser le risque alimentaire.

Les sanctions encourues

Les infractions en matière d’hygiène sont pour la plupart prévues et réprimées par l’article R 237-2 du Code rural et de la pêche maritime, et sont punies de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe, à savoir jusqu’à 1 500 euros, montant susceptible d’être multiplié par cinq en cas de poursuite de la personne morale.
Mais, l’article L233-1 du même code permet également la mise en œuvre de mesures de police administrative très graves, qui peuvent aller jusqu’à la fermeture de l’établissement.

Nathalie Goutaland
Avocate au Barreau de Lyon
Fondatrice de LexAlim cabinet d’avocats en droit de la sécurité alimentaire
Fondatrice d’AlimSafe stratégie en sécurité alimentaire
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